La revue de l'AFL
Les
actes de lecture n°63
septembre 1998
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"Qu'est-ce que lire au cycle 1 ?"
ou
"Langages en formation"
La logographie : un flou précis
L'adjectif logographique est employé le plus souvent pour
caractériser un système d'écriture dans lequel un
signe vaut pour un ou plusieurs mots. Ce signe est
appréhendé de manière complète par le
lecteur, sa lecture n'est pas séquentielle (même si on
peut souvent le décomposer en éléments qui sont
A leur tour des logogrammes) (1).
Toutefois il existe deux autres domaines où ce terme est
régulièrement employé, avec des sens parfois
différents ce qui peut prêter A des confusions ; on
le trouve d'une part dans l'analyse des modèles
développementaux de la lecture et d'autre part dans les
recherches sur la vision périphérique des lecteurs
habiles.
Si on cherche des informations sur les processus de lecture des enfants
de cycle 1, on tombe A un moment ou A un autre sur le
terme de logographie. Plusieurs modèles sont en balance pour
expliquer au mieux les stratégies qu'emploient ces lecteurs
débutants, mais ceux qui sont le plus représentés
dans la littérature scientifique et qui sous-tendent peu ou prou
les méthodes classiques d'apprentissage de la lecture et les
injonctions théoriques de la science officielle se
réfèrent d'une manière ou d'une autre A des
modèles de développement dits A étapes (ou
A stades….) (2).
La forme canonique de ces modèles est constituée de trois
ou quatre phases successives et indispensables. Elles sont successives
dans le sens où pour passer d'une étape A l'autre,
il convient de maîtriser complètement les modalités
de traitement de l'étape en cours, elles sont indispensables car
on n'imaginerait pas de se passer de l'une d'entre elles. La
description des étapes varie d'un auteur A l'autre. Le
modèle de Frith (3),
comporte trois moments : une étape logographique, une
étape alphabétique où le lecteur (décodeur
?) utiliserait exclusivement des stratégies de décodage
grapho-phonologique et enfin une phase orthographique. Un autre
modèle connu est celui de Marsh (4) qui
comporte quatre étapes : une période de reconnaissance
globale de mots appris par cœur, une période où les
enfants vont discriminer les mots A partir d'indices graphiques
saillants, une période où on va mettre en place un
décodage phonologique purement séquentiel, enfin une
quatrième période où on emploie des règles
contextuelles et analogiques.
Le propos n'est pas ici de discuter ces modèles mais uniquement
de nous arrêter sur les premières étapes d'ordre
logographique que les auteurs situent aux alentours de 3-5 ans.
Dans ces travaux, on caractérise l'étape logographique
par l'utilisation de divers indices permettant de reconnaître les
mots. Coca-Cola
se reconnaît par sa graphie mais aussi parce qu'il est
intégré dans un contexte extralinguistique rouge et blanc
(5). Si on écrit dans le logo de cette marque le mot corned-beef,
les enfants, A cette étape, devraient reconnaître
le nom de la boisson gazeuse. Les mots familiers ne sont plus du tout
reconnus si on retire les logos avec lesquels ils sont habituellement
présentés (Esso sans son ovale n'est plus
reconnu). Ces auteurs en concluent donc que les enfants lisent
l'environnement lui-même et non le mot écrit. Le
traitement n'est pas encore linguistique.
Par ailleurs, ces modèles supposent aussi que les enfants se
servent de quelques indices portant sur la présence de lettres
ou de groupes de lettres saillantes. Ils expliquent que les enfants ne
prennent en compte ni l'ordre des lettres ni des facteurs phonologiques
: ainsi les deux ll partagés par « yellow », «
pull », et « smaller » entraînent des
confusions ; ils seront pris l'un pour l'autre au prétexte qu'on
y reconnaît deux "bâtons" (5). Cependant, ce traitement
permettrait quand même de différencier certains mots en
prenant appui sur leurs caractéristiques visuelles : longueur,
présence et localisation de jambages et/ou de hampes : les mots
football (football) et rugby (rugby)
ont des allures assez caractéristiques et se
différencient uniquement A l'aide de leurs
silhouettes…
Ils supposent également qu'il peut y avoir, A ce stade,
une reconnaissance immédiate de mots appris par cœur ou
encore de mots proches comme les prénoms des
élèves que les enfants connaissent. On imagine alors la
création d'un premier stock d'une centaine de mots. Morton
considère que ce traitement est avant tout un traitement de
l'ensemble de l'image contrairement aux processus phonologiques ou
orthographiques qui, pour ce même auteur, demandent un traitement
séquentiel et complet du mot considéré.
On le voit, cette étape logographique n'est pas sans poser
quelques problèmes dès qu'on essaie de lui donner un
statut linguistique. Qui plus est, cette étape est censée
être très transitoire et Sprenger-Charolles
considère par exemple que « pendant
le passage A l'étape par médiation phonologique,
le traitement par processus de type logographique décroît
jusqu'A disparaître complètement A la fin de
cette étape. » (6). De plus en
plus, ces chercheurs remettent en cause l'existence même de ces
processus et considèrent que, dès le plus jeune
âge, les enfants tirent davantage d'informations par le
côté phonologique du système d'écriture que
par le traitement d'indices purement visuels. Sprenger-Charolles et
Casalis (6) remettent en cause « l'architecture d'ensemble
des modèles A stades dans la mesure où
l'étape logographique disparaît pour s'intégrer
partiellement dans l'étape par médiation phonologique.
» En conclusion, cette étape n'est
considérée, si elle existe, que comme de la
pré-lecture et est rapidement abandonnée au profit de la
maîtrise de la correspondance grapho-phonologique.
Du côté des lecteurs adultes et habiles, quelques
équipes de recherche se sont particulièrement
spécialisées dans l'étude de la prise
parafovéale d'informations au cours de la lecture. La question
est ici de savoir le rôle exact du mot A droite du mot
fixé et se trouvant donc perçu par la zone autour de la
fovéa.
Chez l'Homme, la fovéa, petite dépression
d'environ 1,2 mm de diamètre située dans la
rétine, au centre de la tache jaune ou macula, se
caractérise par une grande finesse dans son pouvoir de
discrimination spatiale, ainsi que par son importance pour la vision
des couleurs. Elle est constituée exclusivement de cônes,
tous les éléments non récepteurs ainsi que les
vaisseaux sanguins étant refoulés A sa
périphérie, ce qui a l'avantage de laisser la
lumière frapper directement les récepteurs. Leur
densité est très élevée. Au fur et A
mesure qu'on s'éloigne de la fovéa, les cônes
deviennent plus rares ; les bâtonnets progressivement
prédominent.
La vision fovéale, donc la vision la plus nette, couvre environ
1° du champ visuel, chez l'homme, alors que le champ total,
incluant la vision périphérique, totalise près de
160° degrés. La dégradation de la netteté se
fait progressivement, au rythme d'environ 50 % de dégradation
par degré d'écartement.
Nous savons que chez un lecteur expert, la taille de l'empan de lecture peut atteindre 10° (7).
En conséquence, ce lecteur traite des informations très
dégradées en bord d'empan, informations provenant des
régions plus périphériques de l'œil. Ces
régions sont communément appelées
parafovéales. Elles jouent sans conteste un rôle A
chaque fixation de l'œil.
Depuis 1981 (8), on sait que si on retire
des informations (par des systèmes de masques) de la zone
parafovéale, la vitesse de lecture décline d'environ un
tiers. Cette réduction de vitesse est due A
l'accroissement des temps de fixation, A des saccades oculaires
plus courtes, et A un plus grand nombre de fixations. Les
informations sur les mots, obtenues par une vision parafovéale,
facilitent l'identification du mot A venir (9). On peut se demander quels sont les modes d'action de cette prise d'informations. D'après Inhoff (10),
il paraît improbable que la vision parafovéale active
directement une attente sémantique qui
accélérerait la reconnaissance du mot. Par exemple, les
bénéfices habituellement observés dus A la
vision parafovéale disparaissent si on remplace le prochain mot
A fixer par un mot sémantiquement proche, lors du
déplacement de l'œil sur ce mot (rappelons que l'œil
ne prend pas d'informations pendant le déplacement).
On a pu croire que la reconnaissance des mots pouvait se faire de
manière séquentielle, ce modèle étant
défini par Taft & Forster (11).
Il s'agirait ici d'un accès par recherche dans un fichier. Ce
fichier contiendrait des représentations de morphèmes des
radicaux, classées par fréquences. La vision
parafovéale aurait donc permis de pré-activer la bonne
entrée dans ce « fichier », grâce A la
vue anticipée du radical du mot suivant. Inhoff (12)
montra que cette hypothèse était fausse. Il rejeta aussi
l'hypothèse de l'influence de la première syllabe comme
activation du mot A trouver (« La reconnaissance d'un
mot lors de sa fixation n'est pas favorisé par la vision
parafovéale antérieure de ses premières lettres,
qu'elles forment une syllabe ou non. »).
Ces observations impliquent que les modèles viables doivent
considérer que le début et la fin des mots contribuent
A la reconnaissance périphérique des mots et
surtout que les bénéfices dus A la vision
parafovéale sont fonction du contexte intérieur dans
lequel les lettres apparaissent. En effet, on obtient de plus grands
bénéfices en tenant compte des informations
données par l'ensemble du mot périphérique qu'en
cumulant les données issues du premier trigramme et de la fin du
mot (13). Qui plus est, comme on travaille ici sur des unités floues, «
toutes les lettres (où les silhouettes des lettres) d'un mot
accessible par la vue périphérique peuvent activer des
représentations de lettres (et de possibles
représentations lexicales) » (12).
En conséquence, c'est bien la suite de lettres (ou de
représentations de lettres) situées entre deux
séparateurs qui est traitée comme un tout et non une
accumulation d'indices pris soit au début, soit A la fin
soit au milieu du mot. Enfin, c'est la position respective des lettres
saillantes qui influe sur l'activation parafovéale. Inhoff
montre que les représentations lexicales
(pré-)activées par la vision parafovéale sont
sensibles aux propriétés distributionnelles des
coalitions de lettres. Ce type d'observations renforce les
modèles de reconnaissance logographique,
développés en leur temps par Adams, McClelland &
Rumelhart. Ces modèles semblent offrir un bon point de
départ pour la compréhension des bénéfices
de la vision parafovéale dans la lecture normale.
En situation véritable de lecture et non en situation
d'identification de mots isolés hors contexte, on peut
raisonnablement penser que l'identification des mots se fait
grâce A aux moins deux mécanismes concomitants - du
côté des indices de bas-niveau (14)
- dont l'un est le traitement d'informations issues des zones
périphériques de l'œil, donc nécessairement
floues et traitées comme des indices logographiques. Les travaux
de Inhoff nous ont montré que les processus mis en oeuvre par la
vision parafovéale étaient de nature logographique et ce
sur un matériau purement scriptural. D'autre part, nous avons
montré qu'une des modalités qui différencient les
meilleurs lecteurs des lecteurs plus médiocres, c'est justement
la capacité A tirer de l'information de cette
écriture dégradée comme on la perçoit
(l'aperçoit) en vision périphérique. (15)
L'évaluation des compétences de lecture
discriminant les bons des mauvais lecteurs a, entre autre,
montré le fait suivant : un des axes les plus discriminants
(p=0.04) est construit par l'opposition entre la capacité
A utiliser des stratégies de type combinatoire sur des
correspondances grapho-phonologiques et d'autre part celle qui consiste
A prendre des décisions lexicales rapides sur des
critères exclusivement graphiques. Ces critères
graphiques reposaient sur la re-connaissance de silhouettes de mots de
six lettres très fréquentes ou sur la conscience de
l'impossibilité d'existence de telles silhouettes en
français. De manière très claire, et ceci vient
complètement corroborer les hypothèses de Inhoff, nous
avons pu conclure que « les bons lecteurs manient de
manière plus experte la reconnaissance de catégories
visuelles, en l'absence de toutes références
sémantiques sur des critères logographiques » (16).
Enfin, déjA chez les enfants plus jeunes, les bons
résultats en lecture au début du cycle 3 sont
significativement associés avec des compétences
maîtrisées très tôt dans quelques
tâches de nature logographique (silhouettes reconnues et
logographes identifiés) (17).
Ainsi, contrairement A ce qui est postulé par les
modèles A étapes, des processus logographiques
sont A l'œuvre dans la lecture d'experts, ils ne
disparaissent pas au profit de processus alphabétiques puis
orthographiques.
Cependant, il semble bien qu'il y ait un sérieux problème
quant A la nature même de ce qu'on nomme logographie. Il
semble clair que les psychologues qui s'intéressent au
développement de la lecture ont une approche pour le moins
incohérente de ce concept. Quand ils stipulent que cette phase
logographique se caractérise par l'utilisation d'indices divers
permettant de reconnaître les mots, que l'ovale qui entoure Esso est indispensable A sa reconnaissance, que Coca-Cola
doit être rouge et blanc comme un citron est jaune, ils attachent
beaucoup plus d'importance au terme « logo » qu'au terme
« graphique ». Les langues qui utilisent du logographique
ne prêtent pas une attention particulièrement importante
aux couleurs utilisées : c'est le signe en lui-même qui
importe. Le traitement logographique n'est pas synonyme de traitement
d'image. Il ne s'agit pas de reconnaître une simple photo mais
bien d'être capable de créer et de manipuler des
catégories perceptuelles sur des configurations de lettres. Et
on se heurte bien lA A une grande dissension entre d'une
part ceux qui pensent qu'un traitement de type logographique se
caractérise par la non-prise en compte de l'ordre et de la
position respective des lettres, mais se sert uniquement de la
présence de quelques traits visuels saillants et d'autre part
ceux dont les travaux sur la vision périphérique montrent
au contraire que ce traitement logographique est
particulièrement sensible A l'ordre et A
l'organisation des lettres ou de leurs caractéristiques
graphiques. Les lecteurs qui utilisent des marques logographiques sont
très précis dans les indices qu'ils
prélèvent. Cette façon, pour certains auteurs de
définir le logographique comme quelque chose d'approximatif, de
peu rigoureux et enfin de non spécifiquement linguistique n'est
pas sans rapport avec la façon dont ces mêmes auteurs
appréhendent les processus de lecture, même chez les
lecteurs experts. Cet opprobre jeté sur ces processus
logographiques est probablement dû au fait qu'ils demandent un
traitement de l'information écrite non séquentiel : la
reconnaissance se fait sur l'ensemble de l'unité
présentée, et tenter de parcourir de gauche A
droite ce type d'indice n'a guère de sens. Mais si on ne
parcourt plus dans le sens gauche-droite un indice, alors il n'est plus
question de médiation phonologique. Or on sait bien que la
lecture est le plus souvent considérée comme une
activité séquentielle au niveau même de la
reconnaissance des mots (7). Donc mieux vaut prétendre que ce
type de traitement, plus global, n'existe pas ou, pour les chercheurs
les plus avant-gardistes, est réservé A quelques
mots très familiers…
Pourtant, force est de reconnaître que les lecteurs experts
utilisent constamment ces processus de traitement de l'information
dégradée. Cela pose A l'évidence un autre
problème : on a vu que si les lecteurs habiles utilisent ces
processus logographiques, c'est parce qu'ils travaillent de
manière massive sur des éléments visuels
dégradés. Jamais dans la littérature sur les
modèles de développement de la lecture il n'est fait
référence A de tels indices visuels. Et si on ne
prend pas en compte le traitement d'indices visuels flous, il est vrai
que le logographique n'a plus aucun sens : c'est parce que la situation
de lecture nous oblige A tirer de l'information de ces
unités dégradées que nous nous servons de
stratégies logographiques pour les appréhender. Si la
lecture n'était que le traitement séquentiel de mots,
alors aucune stratégie logographique ne serait nécessaire
; dans cette optique, on comprend bien que les enfants qui utilisent
des stratégies logographiques ne sont aucunement en situation de
(pré-) lecture. D'où l'embarras devant cette étape
et la volonté de la faire se fondre dans une autre étape
dite phonologique. A l'inverse, si ce qu'il fallait acquérir,
c'est la capacité A traiter ces unités floues, si
les enfants étaient conduits A optimiser leurs
compétences dans ce domaine, il est alors probable que ce
«stade» ne disparaîtrait pas et que les
habiletés se renforceraient A partir des
compétences des plus petits. C'est très certainement un
des points que les classes où on n'enseigne pas la
correspondance grapho-phonologique peuvent aider A mieux
comprendre : comment se développent, se transforment, ces
stratégies logographiques au cours de la scolarité ?
comment passe-t-on d'une reconnaissance très imparfaite
A, par exemple, l'éventuelle activation de la structure
grammaticale de la phrase dont on commence la lecture, A l'aide
de cette vision périphérique ? (17)
Sprenger-Charolles et consorts considèrent que dans
l'apprentissage de la lecture, les enfants commencent
véritablement A travailler quand ils commencent A
apprendre et A manipuler des règles de fonctionnement de
la langue écrite. En quelque sorte, le stade logographique est
juste bon pour s'amuser sur de vagues dessins A l'école
maternelle, mais dès le C.P. on fait du passé table rase,
plus question de silhouettes de mots, de traitements d'indices
logographiques, non, on se consacre A l élaboration de
vraies règles de transposition. Comme par miracle, quelques
années plus tard, les meilleurs lecteurs vont
réintroduire dans leurs comportements des stratégies
logographiques. On peut légitimement se demander si on n'aurait
pas intérêt A continuer (A commencer ?)
A travailler sur la manipulation de ces indices logographiques,
essayer d'y trouver des régularités (et nous savons que
le codage sur des silhouettes de lettres n'est pas un lieu de chaos (18)).
En tout état de cause, la pédagogie de la lecture ne peut
en aucun cas tirer profit de l'approximation qui caractérise ce
qu'on qualifie de logographique et les travaux s'y rapportant. A
N.B. : L'écriture de cet article m'aura au moins appris
quelque chose. On part d'un terme standard, qu'on a déjA
entendu dans de multiples occasions, dont on se sert dans la presse
scientifique, bref un mot, voir un concept qu'on pense
légitimement intéressant de mieux comprendre. Mais
très rapidement, je me suis rendu compte que ce terme devenait
quasi impossible A employer : il recouvre trop d'aspects
psycholinguistiques pour garder une rigueur suffisante. Quand on s'en
sert pour caractériser un système d'écriture aucun
problème n'est discernable. En revanche, s'en servir pour
définir des modèles psychologiques, ce n'est plus tenable
très longtemps. En quoi un terme qui définit la
façon dont les choses, les idées, les mots sont
écrits peut-il expliquer la façon dont notre cerveau les
lit ? La vraie activité cérébrale est A
chercher du côté de la lecture de symboles de type
logographique. Alors faut-il inventer un nouveau mot pour
définir cette action ? On pense d'abord A logolexie,
peut-être A cause de l'acte lexique. Mais « lexique
» renvoie trop aux unités lexicales, A quelque
chose qui tourne autour du vocabulaire, qui occulte le
côté grammatical de la langue. Surtout qu'il semble bien
que la vision périphérique soit très importante
dans l'activation de schémas grammaticaux de la phrase.
Logolexie est donc insuffisant. Mais alors, quel autre mot peut cerner
ce phénomène ? A défaut de l'avoir
trouvé, j'ai employé, comme tout le monde, le mauvais
terme de logographie. Tout en comprenant qu'il faudrait bien en
inventer un autre…
notes
(1) Pour un plus grand développement, voir A.Gaur. A.L. n°59, sept.97, page 50
(2) On peut trouver deux autres grands modèles peut-être
plus récents : les modèles connexionnistes et les
modèles par analogies. Sans les développer ici, notons
qu'ils n'expliquent guère mieux les phénomènes.
Les premiers, par exemple, assimilent volontiers les processus
décrits aux algorythmes informatiques de reconnaissance lexicale.
(3) Frith U. A developmental framework for developmental dyslexia, Annals of Dyslexia, 69-81, 1986.
(4) Marsh G, Friedman MP, Welsch V, Desberg P. A cognitive developmental theory of reading acquisition. In : GE MacKinnon & TG Waller (Ed.) Reading research : advances in theory and practice (vol 3, p. 199-221).Erlbaum, 1981.
(5) Morton J. An information-processing account of reading acquisition. In : A.M. Galaburda (Ed.) From Neuron to reading (p46-66) Cambridge MIT Press, 1989.
(6) Sprenger-Charolles L, Casalis S. Lire Lecture et écriture : acquisition et troubles du développement., PUF, 1996
(7) Foucambert D. La lecture experte, A.L. n°62, juin 98, pp.44-47.
(8) Rayner K, Inhoff A, Morrison W, Slowiaczek ML Bertera JH. Masking og foveal and parafoveal vision during eye fixations in reading. Journal of Experimental Psychology : Human Perception and Performance, 7 : 167-181, 1981.
(9) Inhoff AW, Rayner K. Parafoveal word processing during eye fixations in reading : effects of word frequency. Perception and psychophysics, 40 : 431-439, 1986.
(10) Inhoff AW. Parafoveal word perception : a further case against semantice preprocessing. Journal of Experimental Psychology : Human Perception and Performance, 8 : 137-145, 1982
(11) Taft M, Forster KI. Lexical storage and retrieval of polymorphemic and polysyllabic words. Journal of Verbal Learning and Verbal Behavior, 15 : 607-620, 1976.
(12) Inhoff AW. Lexical access during eye fixations in
reading : are word access codes used to integrate lexical information
accross interword fixations ? Journal of memory and language, 28 : 444-461, 1989.
(13) Ces découvertes se rapprochent de l'effet-mot,
découvert par Reichter en 1969, qui fait qu'un mot est mieux
perçu que l'ensemble des lettres qui le composent.
(14) On différencie communément deux grandes familles de stimuli cérébraux : des données de bas niveau, qui sont les indices graphiques transportés par le texte, des données de haut niveau, qui concernent les connaissances du sujet, ses capacités de raisonnement, ses attentes et ses buts.
(15) Foucambert, D. (1997). Conscience graphique et performance en lecture : Étude statistique sur un échantillon d'enfants de onze ans. Université de Caen.
(16) Pour ne pas semer de mauvaises idées, la même
étude montre le rôle prédominant du contexte dans
l'identification des mots. Mais, il s'agit ici d'une autre
habileté, complètement indépendante de la
première quand A sa construction technique. Elles sont
seulement partagées par les bons lecteurs… (voir note 15)
(17) Koriat, A., & Greenberg, S. 1996. The Enhancement Effect in Letter Detection : Further Evidence for the structural Model of Reading . Journal of Experimental Psychology : Learning, Memory and Cognition, 22, 1184-1195.
(18) Foucambert D, Foucambert J. Empans et silhouettes, A.L.n°49, mars 95, pp. 84-110.